Cariatide à la pierre

  • Cariatide tombée portant sa pierre
    Conception : 1881
    H. 43,8 ; L. 32 ; P. 30,8 cm
    Plâtre enduit d'un agent démoulant
    S.02856
  • Cariatide tombée portant sa pierre
    Conception : 1881
    H. 43,8 ; L. 32 ; P. 30,8 cm
    Plâtre enduit d'un agent démoulant
    S.02856

Depuis l’Antiquité grecque, une cariatide est une figure-colonne, supportant un élément d’architecture. Chez Rodin, la Cariatide tombée portant sa pierre (son titre complet, souvent abrégé en Cariatide à la pierre pour la distinguer de la Cariatide à l’urne et de la Cariatide à la sphère) n’a plus rien d’autre à soutenir que le poid du rocher qui l’écrase, matérialisant la souffrance intérieure qu’elle éprouve. Son corps ne manifeste en effet aucun effort physique, mais sa pose, apparentée à celle de la Femme accroupie, exprime une peine dont elle ne semble devoir jamais être délivrée.  


Rodin exposa sa Cariatide dès 1883, ce qui en fait la première œuvre liée à La Porte de l’Enfer à avoir été présentée au public. Il faut préciser qu’elle n’avait sans doute pas encore été intégrée à la Porte à cette date, car on ne la voit pas sur les photographies prises dans l’atelier du sculpteur en 1887 : on voit en effet, à l’emplacement qu’elle occupe aujourd’hui, un groupe de jeune femme et d’enfant, la Jeune Femme à la grotte.


L’année précédente, en 1886, dans une exposition organisée à la galerie Georges Petit, Rodin avait regroupé la Cariatide à la pierre avec Andromède et la Femme accroupie sous le nom de Trois femmes lasses. Il leur avait associé la dernière strophe de l’un des poèmes des Fleurs du mal de Baudelaire, « Le Guignon » – choix déroutant, car la première strophe semblait parfaitement appropriée à cette figure écrasée sous un pesant fardeau :

  « Pour soulever un poids si lourd,
  Sisyphe, il faudrait ton courage !
  Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,
  L'Art est long et le Temps est court.

  Loin des sépultures célèbres,
  Vers un cimetière isolé,
  Mon cœur, comme un tambour voilé,
  Va battant des marches funèbres.

  - Maint joyau dort enseveli
  Dans les ténèbres et l'oubli,
  Bien loin des pioches et des sondes ;

  Mainte fleur épanche à regret
  Son parfum doux comme un secret
  Dans les solitudes profondes. »