L'Avarice et la luxure
Par son titre, le groupe L’Avarice et la Luxure fait référence à deux péchés évoqués par Dante dans L’Enfer : l’avarice, punie au quatrième cercle (chant VII) et la luxure, au deuxième cercle (chant V). La figure masculine dérive de celle de L’Homme qui tombe, tandis que la femme aux jambes écartées est apparentée à La Martyre. Traitée sur un mode allégorique, l’avarice devient une image du désir malsain, suscité par le corps d’une femme évidemment lubrique – image typique d’une vision des rapports entre les sexes que Baudelaire n’aurait pas reniée.
Il est à noter que ces deux péchés sont associés par Victor Hugo dans un poème du recueil Les Voix intérieures, intitulé « Après une lecture de Dante », que Rodin connaissait nécessairement :
« Quand le poète peint l'enfer, il peint sa vie.
Sa vie, ombre qui fuit de spectres poursuivie ;
Forêt mystérieuse où ses pas effrayés
S'égarent à tâtons hors des chemins frayés ;
[…]
Là sont les visions, les rêves, les chimères;
Les yeux que la douleur change en sources amères;
L'amour, couple enlacé, triste et toujours brûlant,
Qui dans un tourbillon passe une plaie au flanc;
Dans un coin la vengeance et la faim, soeurs impies
Sur un crâne rongé côte à côte accroupies;
Puis la pâle misère, au sourire appauvri;
L'ambition, l'orgueil de soi-même nourri,
Et la luxure immonde, et l'avarice infâme,
Tous les manteaux de plomb dont peut se charger l'âme ! »